Il y a quelques années, tandis que j’étudiais au Collel, l’un de mes amis (que l’on appellera Moché) me fit part de la situation désagréable dans laquelle il se trouvait. Moché était quelqu’un de très généreux, qui avait à cœur de faire du ‘Hessed avec tout un chacun. Tandis qu’il se rendait au Collel, il remarqua que des Avrekhim empruntaient la même direction que lui. Ils marchaient sous une chaleur accablante en été, et affrontaient le froid glacial de l’hiver.
Moché ne pouvait supporter de les voir souffrir de la sorte. Il décida donc de les prendre en voiture, afin de leur éviter un trajet si éprouvant. En fin de journée, il se chargeait également de ramener chacun de ses amis jusqu’à son domicile, avant de rentrer chez lui. Avec le temps, ils avaient établi une relation tellement ouverte, que lorsqu’il discutait sur le trottoir avec l’une de ses connaissances, ses amis le rappelaient à l’ordre : “Dépêche-toi un peu ! Cela fait déjà dix minutes qu’on t’attend dans la voiture ! On est pressé.”
Ces remarques répétitives finirent par l’agacer. Il me confia un jour avec douleur : “Tout ce que je souhaitais, c’est aider mes frères juifs et faire plaisir à Hachem. Pourquoi me traitent-ils de la sorte ? Après tout, je ne suis pas leur chauffeur ! Je voulais juste les soulager.”
Il était terriblement frustré, et il avait raison.
Je lui conseillai alors de prendre conseil auprès du Machguia’h du Collel et c’est ce qu’il fit. Le Machguia’h l’écouta avec attention et lui dit : “Ce que tu ressens est parfaitement légitime. Ta seule intention était d’aider tes amis, et tu as été profondément déçu et vexé par leur attitude.
Faut-il malgré tout continuer à leur servir de chauffeur ? Toi seul peut répondre à cette question. Mais je souhaite toutefois attirer ton attention sur un point : surtout, ne regrette pas le bien que tu leur as fait. Parce que tu as agi avec un coeur pur et désintéressé. Ne perds pas ce qui tu as gagné, ne détruis pas ce que tu as bâti. Car Hachem te récompensera pour cela.
Si tu en viens à regretter tes actes de bonté, même si cela semble justifié, tu feras partie de ceux qui sont ‘Tohé al harichonot’. Tu perdrais alors les bénéfices des services rendus aux autres, de la satisfaction que cela t’a procuré, et des Mitsvot que tu as accomplies.”
Ce conflit interne se manifeste en chacun d’entre nous, dans les relations que nous entretenons avec nos amis, notre conjoint, comme avec le Maître du monde.
‘Tohé al Harichonot’ est une expression désignant une personne qui, dans un moment de colère ou de déception, regrette ses bonnes actions passées et détruit dans le même temps, tout ce qu’elle a bâti. En admettant qu’elle ait raison, est-elle à même de revenir en arrière ? Ce qui est fait est fait, et les regrets ne changeront pas le passé.
Le Rav Its’hak Hutner explique que cela est d’autant plus vrai dans la vie de couple. Lorsque nous avons des relations tendues avec nos amis, collègues et voisins, il est possible de conserver un statut quo, sans que jamais la situation ne s’envenime ou n’explose. Il se peut même que rien de tout cela ne transparaisse de l’extérieur. Mais en ce qui concerne les conjoints, le scénario est plus manichéen : soit on aime, soit on déteste. Et si le couple se positionne entre ces deux sentiments contradictoires, et parvient à maintenir un calme apparent, la tempête devrait bientôt faire rage.
Prenons un exemple concret : un homme achète un cadeau à sa femme, mais la réaction de cette dernière déçoit son mari. “Crois-moi, lui lance-t-il alors, si j’avais su que tu réagirais ainsi, je n’aurais pas pris pas la peine de t’acheter quoi que ce soit !” Il détruit par là tous les efforts qu’il a investi pour faire plaisir à sa femme et entretenir l’amour dans son couple.
Revenons à présent sur la notion de ‘Tohé al harichonot’ : le fait de regretter, dans un moment de colère ou de frustration, un acte de bonté commis par le passé, est provoqué par une vision dichotomique des choses.
Lorsque l’on se trouve confronté à ce genre de situation, il convient d’examiner ce qui se passe autour de nous de façon purement intellectuelle, et ne pas se laisser aspirer par un tourbillon émotionnel. Il faut essayer de porter un regard objectif sur les faits en imaginant ce que nous dirions à un ami auquel cela arriverait.
La notion de ‘Tohé al harichonot’ est à l’opposé de Techouva. Lorsqu’un homme se repent, il ne cherche pas à annuler le passé, mais s’en sert justement de tremplin pour aller plus haut. Généralement, lorsqu’il fait Techouva, l’homme cherche à améliorer la relation qu’il entretient avec Hachem mais ne pense pas forcément à faire des efforts dans la relation qu’il entretient avec autrui, ou du moins, ne sait pas exactement comment procéder pour atteindre cet objectif.
Le couple est la sphère la plus appropriée pour permettre à l’homme d’améliorer la relation qu’il entretient avec l’autre.
Quel est le fondement d’une vie de couple réussie ?
Avraham Cohen, conseiller conjugal.
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