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“Ce terroriste a tué ma mère, et il n’y aura même pas de procès !” – Interview du fils de Sarah Halimi zal

Quatre ans se sont écoulés depuis le terrible assassinat de Sarah Halimi dans son appartement parisien. Le fils de la victime, Yonathan Halimi, se souvient de ce jour là comme si c’était hier…

Quatre ans se sont écoulés depuis le terrible assassinat de Sarah Halimi dans son appartement parisien. Le fils de la victime, Yonathan Halimi, se souvient de ce jour là comme si c’était hier. Pas seulement parce que sa mère lui manque, mais aussi parce qu’il a appris avec stupeur que le Tribunal français a décidé qu’il n’y aurait pas de procès. Le coupable ne sera pas jugé pour le crime odieux qu’il a commis. “Non seulement, il n’est pas puni pour les faits, mais en plus, il n’est même pas jugé”, déclare-t-il. “C’est incompréhensible.”

Une mère pour tous

“Cette nuit là, j’étais bien loin d’imaginer qu’un terroriste était en train de torturer ma mère. Qui aurait pu imaginer ce qu’elle était en train de vivre ? Le lendemain du drame, j’ai reçu un appel de l’un des membres de ma famille qui m’a dit : “Ta mère a été attaquée. Elle ne va pas bien.” Peu de temps après, il a m’a rappelé pour me dire : “Elle n’a pas survécu.” A partir de ce moment là, j’ai agi comme un robot. Je me suis efforcé de ramener son corps en Israël afin qu’elle y soit enterrée. J’ai fait jouer tous mes contacts pour que son corps soit libéré. Je savais que ma mère voulait être enterrée en Israël, car elle parlait souvent de sa volonté de faire la Alya. Elle était tellement heureuse que j’étudie dans une Yechiva en Israël. Après mon mariage, je me suis installé ici définitivement. J’envisageai de la faire venir près de moi, mais elle est restée en France car mes soeurs y habitaient aussi. Après ce qui est arrivé, mes soeurs ont fait leur Alya. J’ai tellement de peine que ma mère n’ait pas pu voir ça et ne soit pas près de nous.”

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre mère ?

“Difficile de la résumer en quelques mots. Elle faisait tellement de choses. Elle était médecin de formation mais n’a jamais exercé car immédiatement après avoir obtenu son diplôme, on lui a proposé le poste de directrice de crèche et elle a accepté cette mission.

“Elle a dirigé cette crèche juive durant de longues années, et s’est dévouée corps et âme pour les enfants, les parents, et l’équipe pédagogique. Elle embrassait chaque enfant, se souciait de son bien-être et s’assurait qu’ils se respectent mutuellement. Après son décès, de nombreuses personnes sont venues nous raconter ce que leurs enfants avaient appris de maman, et ils nous ont avoué avoir renouer avec le judaïsme grâce à la crèche car ma mère tenait à ce que l’on enseigne aux enfants les fêtes juives et quelques notions du judaïsme. Elle a également transmis à ses propres enfants, l’amour du judaïsme, de la tradition et de la Torah. Sa plus grande joie était de nous voir progresser sur le chemin de la Torah et de la crainte du Ciel.

“Ma mère se souciait de chacun”, ajoute Yonathan “et elle était particulièrement sensible à nos souffrances et à celles de son entourage. Il m’est arrivée de la voir éveillée toute la nuit en songeant aux problèmes dont certaines personnes lui avaient fait part. Elle ne s’accordait pas de repos avant d’avoir trouvé une solution pour eux. A la crèche, certains enfants souffraient de problèmes de santé complexes, et elle s’occupait et se souciait d’eux comme s’il s’agissait de ses propres enfants. De nombreux parents nous ont rapporté que ma mère faisait tout ce qui était en son pouvoir pour que les enfants soient heureux et épanouis.”

Le meurtre a eu lieu veille de Pessah et Yonathan raconte que lorsqu’il s’est rendu dans l’appartement de sa mère après le drame, il a trouvé une feuille sur laquelle elle avait inscrit ce qu’elle avait prévu de faire le lendemain, notamment pour avancer son ménage de Pessah. “Elle était ainsi. Ordonnée et organisée”, explique-t-il. Elle devait se rendre en Israël juste après Pessah pour assister à la Bar Mitsva de son petit-fils. Un projet qu’elle n’eut malheureusement pas la chance de concrétiser.

“Il est important pour moi de perpétuer le souvenir de ma mère. C’est la raison pour laquelle j’oeuvre ces derniers temps pour fonder un centre communautaire pour les Olim de France, dans le quartier de Névé Chanan à Haïfa, où je réside”, raconte-t-il. “Il s’y trouve une petite communauté de français et je souhaiterai encourager d’autres immigrés de France à nous rejoindre et à s’installer dans ce quartier. L’intégration des français en Israël n’est pas simple et je souhaiterai leur apporter mon aide, à mon échelle, pour l’élévation de l’âme de ma mère.”

Des cris derrière la porte

Yonathan ne connait pas personnellement le voisin qui a agressé sa mère, mais il raconte que cette dernière lui a souvent parlé de lui. “Le meurtrier habitait avec ses parents, dans un appartement situé juste en dessous de celui de ma mère. Il s’agit d’une famille musulmane très pratiquante. Nous savons qu’avant de commettre ce meurtre, il se rendait cinq fois par jour dans une mosquée à quelques pâtés de maisons de la rue où vivait ma mère et publiait également sur Facebook toutes sortes de posts qui faisaient allusion à ses intentions. Ce jeune était bien connu de la police. Il a séjourné plusieurs fois en prison pour agressions, vente de stupéfiants et autres délits.”

Votre mère vous parlait-elle de lui ? Avait-elle peur de lui ?

“Oui, elle m’a dit qu’il lui paraissait dangereux et qu’il l’effrayait. Elle avait même envisagé de déménager à cause de lui, mais elle n’en a pas eu le temps. D’un autre côté, je dois préciser que ce jeune n’était pas là en journée, donc elle ne le voyait pas quotidiennement.”

Vous décrivez une réalité difficile – un quartier avec des musulmans hostiles et dangereux. Est-ce une chose courante en France?

“Oui, c’est assez répandu. La plupart des immeubles se trouvant dans la quartier où ma mère résidait son mixtes. Il existe en France certains quartiers où seules des familles juives habitent, mais cela reste rare. Je dois préciser que par le passé, les musulmans n’étaient pas aussi hostiles à l’égard des juifs. Je me revois me promener étant enfant dans les rues de la ville – certes avec une casquette et non une Kippa – sans crainte particulière. il me semble que la situation s’est terriblement dégradée ces dernières années. Il y a hélas, de très nombreux cas d’agressions antisémites et cela ne fait que s’amplifier au fil des jours.”

Qu’est-il arrivé à votre maman ? Connaissez-vous les détails de son agression ?

“Nous savons que le meurtrier a agi vers 4 heures du matin. Il est entré chez une famille résidant dans un immeuble quelque peu éloigné du notre, mais possédant un balcon mitoyen à celui de ma mère. Une simple plaque de verre séparait les deux balcons.

“En entrant chez cette famille, il avait apporté avec lui tout ce dont il avait besoin – un tapis de prière, des vêtements de rechange etc. Cette famille affirme qu’il les a menacés, et que c’est la raison pour laquelle ils l’ont laissé entrer. Je ne suis pas certain que ce soit la vérité et il se peut qu’ils étaient complices. Quoi qu’il en soit, il a sauté d’un balcon à l’autre.”

D’après Yonathan, et selon ce que les enquêteurs ont révélé, il a ensuite frappé sa mère pendant une demi-heure, avec une cruauté sans nom, puis l’a jeté par la fenêtre du 3ème étage en criant “Allah Akba’r” et quelques versets du Coran.

Il l’a torturée pendant une demi-heure et personne n’est intervenu ?

“Votre question est plus forte que vous ne l’imaginez : après enquête, nous avons appris qu’au moment de l’agression, de nombreux voisins et policiers se trouvaient derrière la porte. Tout le monde entendait crier et supplier, mais ils ne sont pas entrés dans l’appartement car ils attendaient l’autorisation de l’unité qui gère le terrorisme. C’est totalement absurde et incompréhensible. Nous avons beaucoup de questions à ce sujet.”

Pouvez-nous expliquer pourquoi ce meurtrier ne sera pas jugé ?

Yonathan affirme qu’il a été très surpris de constater que, bien que reconnaissant l’attentat, le tribunal français n’a pas transmis le dossier au département judiciaire en charge des terroristes. “C’est également la raison pour laquelle, ils n’ont pas contrôlé les conversations téléphoniques qu’il avait eues quelques jours avant le meurtre, ni son compte facebook. Au lieu de ça, ils se sont intéressés à son état de santé mentale et se sont entêtés à l’envoyer chez un spécialiste qui a affirmé qu’il était “perturbé mais saint d’esprit” au moment de l’acte. La juge a demandé un nouvel examen qui a abouti à la conclusion qu’il n’était pas sain d’esprit. Un troisième diagnostic l’a déclaré malade mental. Par conséquent, il a été décrété que non seulement il ne serait pas jugé, mais qu’en plus, il n’y aurait pas de procès. Il a pris la vie de ma mère d’une façon tellement cruelle, et s’en sort sans rien.”

Avez-vous été surpris par ces conclusions ?

“Dès l’instant où nous avons déposé plainte et rencontré la juge, j’ai compris qu’elle n’était pas dans notre camps. J’ai tout de suite compris qu’il était plus important pour elle d’être miséricordieuse avec le criminel, plutôt que d’être impartiale, mais j’espérais que quelqu’un interviendrait. A présent, je comprends que j’au eu tort. Il est impossible de s’appuyer sur le système judiciaire.”

Avez-vous participé aux audiences ?

“Il n’y a pas eu d’audience. C’est précisément cela le problème. Après que nous ayons déposé plainte, il y a eu un procès sans audience, au cours duquel le criminel a été déclaré malade mental, et donc exempt de procès.”

Pensez-vous faire quelque chose pour changer cet état de fait ?

“Nous réfléchissons aux prochaines étapes mais il me semble qu’il sera difficile de rouvrir l’enquête. Il se peut que certaines procédures soient encore possibles et que cela nous permettra de renverser la situation.”

Ce qui le console un peu, c’est la réaction des médias français, ainsi que les manifestations organisées contre la décision du Tribunal, auxquelles se sont associées des centaines de milliers de personnes. “Tout le monde a bien compris que cela n’a pas de sens de fermer le dossier si facilement”, explique-t-il. “Nous recevons de nombreuses lettres de soutien et cela nous donne des forces.”

Comment expliquez-vous le fait que des non-juifs se sentent concernés par votre histoire ?

“Tout d’abord, il est clair qu’il existe des non-juifs qui aiment les juifs et souhaitent être amis avec eux. Ils ne sont pas tous antisémites. Mais au delà de ça, je pense que notre histoire a bouleversé le pays parce que chacun imagine être la prochaine victime et si la justice est incapable d’arrêter les terroristes, il n’y a aucune raison qu’ils se retiennent de commettre ce genre de crimes.”

Malgré la difficulté, il insiste toutefois sur une point particulier : “Ma mère nous a toujours enseigné que tout ce que fait Hachem est bien, même si nous le comprenons pas toujours. Nous faisons ce qu’Hachem nous demande de faire et nous avons confiance qu’il nous guidera sur le meilleur chemin.”

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