“Un peigne ? Vous n’en avez pas à la maison ?” Le vendeur ne comprenait pas pourquoi son voisin le forçait à ouvrir son magasin au beau milieu de la nuit pour quelque que chose de si insignifiant.
“J’en avais un, répondit le voisin, mais il y a quelques minutes, l’une de ses dents s’est cassée.”
“Et c’est pour cela que tu en rachètes un ?”, demanda le voisin, surpris par la réponse de son interlocuteur.
“C’était la dernière…”, avoua alors le voisin.
* * *
Nous savons tous que la génération de la Tour de Babel se révolta contre Hachem et, à cette fin, entreprit de bâtir une tour.
Pour construire un bâtiment, il faut des briques, n’est-ce pas ?
“Ils dirent l’un à l’autre : Allons, faisons des briques et brûlons-les au feu.” (Berechit 11 ; 3) Lorsque nous lisons ce verset, nous comprenons que les habitants de Babel décidèrent de faire des briques pour pouvoir bâtir un édifice.
Et si je vous disais qu’au départ, ils n’avaient pas du tout l’intention de construire une tour, mais simplement de façonner des briques. Cette tâche accomplie, ils se mirent à chercher une façon de les exploiter.
Cela semble étrange, n’est-ce pas ?
Lorsque j’ai entendu cette explication, j’ai eu du mal à y croire. Pourtant, lorsque j’ai ouvert le ‘Houmach, il s’est avéré que cela était exact !
Le Gaon Rabbi Haïm Zonenfelfd fait remarquer que le mot “allons” apparaît à deux reprises dans le texte, de manière assez rapprochée. Rachi explique que le mot “allons” est une forme d’invitation à accomplir un travail ou à réaliser une tâche.
Mais alors pourquoi la Torah écrit-elle à nouveau dans le verset suivant : “Allons, bâtissons une cité et une tour ayant son sommet au ciel […]” (Berechit 11 ; 4) Rav Haïm Zonnenfeld, explique que lorsque les habitants de Babel réalisèrent qu’ils avaient réussi à créer quelque chose de leurs propres mains, ils se sentirent tout à coup extrêmement puissants et se mirent à penser qu’ils n’avaient plus besoin de D.
Quelle leçon pouvons-nous apprendre de cette entreprise ?
Dans une ville en Hongrie, vivait un Goy doté d’un véritable talent d’imitateur. Ce non-juif était possédait par ailleurs un sens de l’humour bien aiguisé et aimait plus que tout jouer des tours aux voyageurs qui séjournaient dans sa cité.
Un jour, un jeune homme arriva à la Yechiva de la ville et le non-juif décida alors de lui jouer un mauvais tour. La coutume voulait que le vendredi soir après l’office de Chabbat, les Bahourim attendent dans la salle de la Synagogue que les fidèles les invitent pour le repas du soir.
Notre farceur revêtit les vêtements que portaient traditionnellement les juifs lors du Chabbat, et se posta à l’entrée de la Synagogue. Lorsqu’il repéra le Ba’hour qui l’intéressait, il lui fit un signe de la main pour l’inviter à le suivre. Le non-juif n’avait pas fait les choses à moitié : il avait demandé à sa famille de quitter la maison, et avait recréé une véritable atmosphère chabbatique. Les Nerot étaient allumées, et sur la table dressée se trouvaient deux Hallot et une coupe de vin.
Le Ba’hour s’apprêta à chanter “Chalom Haleikhem”, mais son hôte lui expliqua qu’il était préoccupé par une question difficile sur la Paracha de la semaine, et se retira dans la pièce d’à côté “pour tenter de trouver une réponse”. Il permit au jeune homme de procéder au Kiddouch, sans l’attendre, et ce dernier – visiblement affamé – ne se le fit pas dire deux fois.
Le Ba’hour récita le Kiddouch, et bu la coupe de vin qui se trouvait sur la table. Quelques secondes plus tard, notre imposteur invita le jeune homme à procéder à la Netilat Yadaïm et à prononcer la bénédiction sur le pain. Après avoir mangé le poisson que lui avait servi son hôte, le pauvre Ba’hour qui ne se doutait de rien, entonna de bon cœur des chants de Chabbat.
Lorsque ce fut le moment de servir le plat principal, le non-juif se précipita dans la cuisine et en revint avec un plat fumant sur lequel se trouvait… de la viande Taref ! (non cacher).
Sous le coup de la surprise, le Ba’hour fit un bond en arrière. Il eut un haut le coeur. Se pouvait-il que toute la nourriture qui lui avait été servie et qu’il avait mangé avec appétit, ne soit pas cacher ?! Quel malheur !
Le voyant blêmir, le non-juif le rassura : “Ne t’inquiète pas, lui dit-il. Tu n’as transgressé aucun interdit : le vin était Mévouchal, les Hallot proviennent de la boulangerie juive, et le plat de poisson que je t’ai servi est Cacher Laméhadrin. Si tu avais pris l’habitude d’embrasser la Mezouza, tu ne serais pas tombé dans mon piège…, conclut le Goy, visiblement satisfait de sa “plaisanterie”.
Le Midrach (Pirkei Derabbi Eliezer, 24) décrit la construction de la tour de Babel et précise en autre que “lorsqu’un homme mourait durant les travaux, personne n’y prêtait attention. Mais lorsqu’une brique tombait et se brisait, ils s’asseyaient et pleuraient sur son sort.”
Apparemment, il semble étrange que ceux qui se réunirent pour construire une tour avec un objectif précis, soient si peu sensibles à la mort de leur ami et collègue. Il s’avère que les habitants de Babel avaient un cœur de pierre, et qu’ils s’appitoyaient davantage sur la perte d’une brique que sur celle d’une vie humaine. Comment est-ce possible ?
Cette génération rebelle s’était fixée l’objectif de bâtir une tour immense afin de “combattre” le créateur du monde, à D. ne plaise. Dès lors qu’ils démarrèrent cette entreprise, ils ne firent plus attention à aucun détail. La seule chose qui importait, était d’atteindre leur but. Tout le reste était à leurs yeux, sans importance.
* * *
Mais chez le peuple juif, les petits détails ont leur importance !
Pour les habitants de Babel, la mort d’un homme était un détail, mais une brique qui tombait était une catastrophe. Chez nous, ces “détails” sont toutes les Mistvot auxquelles on ne prête pas forcément attention parce qu’on les considère petites, comme le fait d’embrasser la Mezouza par exemple.
Le décret du déluge fut scellé à cause du vol. Un vol, qui peut sembler minime – un grain de raisin, un centime, “la dent d’un peigne”… Mais cumulés, ces petits larcins causent finalement une grande perte au propriétaire. Tout comme, cumulées, les “petites” Mitsvot que nous accomplissons, nous donnent de grands mérites.
Chabbat Chalom
Rav Israël Koening