Considérer chaque juif comme la lettre d’un Sefer Torah – la grandeur d’âme de Rav Moché Feinstein.
Hachem nous a confié un merveilleux ustensile – la bouche, avec laquelle nous pouvons répandre un bien infini autour de nous, à condition d’en faire bon usage. Le Rav Menahem Stein Chlita, illustre ces propos par l’histoire suivante.
La Levaya de Rav Moché Feinstein zatsal démarra aux Etats-Unis et se poursuivit en Israël. Le neveu de Rav Feinstein, le Rav Ye’hiel Mikhael Chemoul raconte :
“Parmi les milliers de personnes venues assister à la Levaya du Rav, se trouvait une femme qui sanglotait en ne cessant de répéter : ‘Rabbi Feinstein, où es-tu ? Pourquoi m’as tu abandonnée ?’
Elle suivit le cortège jusqu’à l’aéroport, en pleurant à chaudes larmes. Son attitude piqua ma curiosité : qui pouvait bien être cette femme pour être tellement peinée par la disparition du Rav ? Pour en avoir le cœur net, je l’arrêtai avant qu’elle ne quitte l’aéroport.
–“Qui êtes-vous ?” lui demandai-je. “Je suis le neveu du Rav Feinstein, et je connais tous les membres de notre famille, mais il ne me semble pas vous avoir déjà vu quelque part. Faites-vous partie de la famille du Rav ?”
–“Je suis bien plus qu’un membre de la famille”, me répondit-elle avant de m’expliquer ce que cela signifiait.
Pendant près de quarante-deux ans, cette femme – qui était veuve – téléphonait chaque vendredi au Rav Moché Feinstein, afin de lui poser deux questions halakhiques : à quelle heure devait-elle allumer les Nerot de Chabbat, et à quelle heure Chabbat sortait-il.
Elle n’avait confiance en personne d’autre, et refusait de consulter un simple calendrier.
Rav Moché Feinstein, le Gadol Hador, lui répondait avec douceur et patience, prenait de ses nouvelles : comment allait-elle ? Et les enfants ? Qu’en était-il de son cholestérol, et de sa tension ?… Il discutait pendant près de deux minutes avec elle, en lui donnant toute l’attention dont elle avait besoin, avant de la bénir et de lui souhaiter Chabbat Chalom. Jamais, il ne la repoussa, jamais il ne se mit en colère. Cette conversation téléphonique donnait à cette femme, de la force pour toute la semaine !
“A présent, me dit-elle entre deux sanglots, qui me donnera les horaires de Chabbat ?”
Rav Ye’hiel Mikhael Chemoul ajouta : “Si quelqu’un m’appelle un vendredi pour me demander à quelle heure entre Chabbat, je lui répondrai très certainement. Si cette personne me rappelle le vendredi suivant, cela m’agacerait mais je lui donnerai de nouveau donné les horaires. Mais au bout du troisième appel, je pense que je finirai par dire : “Ecoutez chère madame, prenez 200 shekels, allez-vous acheter une qunizaine de calendriers, placardez-les dans toute la maison s’il le faut, mais pitié, ne m’appelez plus. Vous me faites perdre un temps précieux !”
Mais mon oncle, le Tsaddik Rav Moché Feinstein, répondit aux questions de cette veuve, chaque semaine, pendant quarante-deux ans !
Comment a-t-il réussi cet exploit ?
Rav Feinstein a compris que cette femme n’avait pas réellement besoin de connaître les horaires d’entrée et de sortie de Chabbat. Elle pouvait parfaitement se contenter des indications fournies par le calendrier. Derrière ces appels réguliers, cette veuve cherchait de l’attention. Ces questions n’étaient qu’un prétexte pour pouvoir parler au Rav, entendre sa voix chaleureuse et recevoir, chaque semaine, sa bénédiction.
Le Rav avait une vision totalement différente de la notre : il n’avait pas l’impression de faire du bien à cette femme. A l’inverse, il considérait que cette femme lui faisait du ‘Hessed en lui permettant de se rapprocher d’Hachem, Lui qui prodigue un bien infini à Ses créatures à chaque instant.
Un juif est une lettre de Sefer Torah. Parfois, il est un peu “endommagé”, “brisé”, et a juste besoin que quelqu’un prenne le temps de le “réparer” en l’écoutant, en le réconfortant ou en l’encourgeant.
Lorsque le Sofer ouvre le Sefer Torah afin de faire les corrections nécessaires, il ne se met pas en colère contre la lettre défaillante. Bien au contraire ! Il concentre son attention sur la lettre problématique et la répare consciencieusement et avec patience. Lorsqu’un juif nous sollicite, nous devons lui venir en aide et combler le manque dont il souffre en considérant que nous accomplissons une mission sainte, à l’image du Cohen Gadol qui servait dans le Saint des Saints le jour de Yom Kippour.
Tiré du livre Hinéni Beyadekha, adaptation française Elisheva Uzan.