Le Rav écoutant leur refus, éclata en sanglots incontrôlables. Ils lui demandèrent: «Rabbi Raphaël, pourquoi pleurez-vous ?» Il leur répondit : «Nos Sages nous enseignent que les paroles d’une personne craignant Hachem sont écoutées avec acceptation. Je me rends compte aujourd’hui que je manque de crainte du Ciel; ne devrais-je pas pleurer ?»
Rabbi Barokuh Tolédano, est né en 1890 à Meknès. Dès sa plus tendre enfance il était connu pour son âme pure et délicate. Sa seule ambition et passion était la Torah, qu’il étudiait constamment. À l’âge de 10 ans, il tomba gravement malade et, pour faciliter sa convalescence, le nom de Raphaël fut ajouté à son prénom. Son amour pour son prochain et sa dévotion à chaque Juif constituaient sa grandeur.
Dans les années cinquante, les vents de la laïcité affectèrent la jeunesse juive du Maroc et suscitèrent de grandes inquiétudes parmi les Rabbanimes. Les écoles comme l’Alliance, fondées en France, avaient étendu leurs tentacules, emprisonnant de nombreux jeunes juifs marocains dans leur conception éclairée de l’hérésie anti-Torah. Rabbi Raphaël menait une bataille difficile contre la laïcité, mais ses efforts donnaient peu de résultats. Il décida que la meilleure façon de contrer l’Alliance serait d’ouvrir un Talmud Torah dans chaque section locale. En effet, les parents ayant la crainte du ciel inscriraient leurs enfants dans ces écoles de Torah.
À Meknès, les leaders communautaires n’étaient pas intéressés à investir dans de nouveaux Talmud Torah. Rabbi Baroukh, vêtu de sa majestueuse robe de Dayan, se rendit chez le chef de la communauté; se pencha vers le sol et embrassa les deux pieds du président de la communauté. Il se leva et en sanglotant sous les yeux stupéfaits du président et le supplia en lui disant : «Si vous acceptez d’ouvrir le Talmud Torah, je vous donnerai la moitié de ma part dans le monde à venir !» C’est de cette manière que le Talmud Torah Em Abanim fut fondé, sauvant des générations d’enfants de l’emprise de la laïcité.
Un jour, on a appris que l’Alliance avait ouvert une école à Oujda. Si seulement il y avait eu un Talmud Torah local, beaucoup de parents y auraient inscrit leurs enfants. Rabbi Tolédano contacta rapidement les dirigeants de la communauté d’Oujda et demanda d’organiser une réunion communautaire d’urgence. Le Rav demanda à son secrétaire de prévoir ce long trajet de nuit en train pour le samedi soir. Cependant, ce chabbat Rabbi Tolédano tomba malade et son médecin lui expliqua que voyager dans cet état mettrait sa vie en danger. Ignorant les ordres du médecin, le Rav demanda faiblement d’être conduit au train. Il se lança dans un voyage d’abnégation pour l’avenir de la jeunesse juive, faisant fi de sa propre santé. Arrivant à la gare, il dut faire face à une autre épreuve. Le train étant bondé, la seule place restante se trouvait sur les marches. Loin d’être découragé malgré la fièvre, Rabbi Raphaël resta assis tremblant sur l’escalier gelé jusqu’à ce qu’un siège soit disponible.
Arrivé à destination, le chef de la communauté l’accueillit et l’amena à la réunion d’urgence. Plein d’énergie, comme s’il n’était pas malade, le Rav fit un appel sincère pour ouvrir un Talmud Torah. Bien que le plaidoyer passionné du Rav ait eu une forte impression sur les dirigeants de la communauté, ceux ci ne pouvaient donner leur accord. Tout d’abord, la communauté juive d’Oujda venait de souffrir de l’émeute anti juive de 1948. L’ouverture d’un Talmud Torah était pleine de danger car ils risquaient d’être accusés d’espionnage pour le compte d’Israël. Deuxièmement, leurs efforts visaient à aider les gens à se rendre dans l’État naissant d’Israël et il n’était donc pas logique de commencer à construire de nouvelles infrastructures.
La réunion fut interrompue pour le petit déjeuner. Une généreuse quantité de nourriture gastronomique fut servie. Rabbi Baroukh refusa fermement de déjeuner en leur disant : «Désolé, je ne peux pas me reposer ni manger tant que vous n’aurez pas accepté de fonder un Talmud Torah ici». Après le déjeuner, les discussions reprirent et les dirigeants communautaires insistèrent sur le fait qu’il n’y avait aucune chance de fonder un Talmud Torah. Le Rav écoutant leur refus, éclata en sanglots incontrôlables. Ils lui demandèrent: «Rabbi Raphaël, pourquoi pleurez-vous ?» Il leur répondit : «Nos Sages nous enseignent que les paroles d’une personne craignant Hachem sont écoutées avec acceptation. Je me rends compte aujourd’hui que je manque de crainte du Ciel; ne devrais-je pas pleurer ?» Les participants furent à cet instant tellement ébranlés par la sincérité du Rav que leur opposition disparut instantanément. Ils décidèrent presque unanimement d’ouvrir le Talmud Torah. Sa mission accomplie à Oujda, Rabbi Raphaël Baroukh Tolédano retourna à Meknès le cœur léger.
De lui on retiendra sa majesté, sa noblesse d’âme, sa modestie et son humilité, formant ainsi le personnage qu’était Rabbi Raphaël Baroukh Tolédano. Cette merveilleuse harmonie créa un tsadik dont les pieds touchaient le sol et dont la tête atteignait le ciel. Au mois de Hechvan 1970, peu après son arrivée en Israël dans la ville de Bnei Brak, il rendit son âme pure au Créateur.
Tiré du feuillet hebdomadaire des institutions haméir Laarets sous l’égide de Rav Israël Abargel Chlita.
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