Tel Aviv, New York, Moscou, Johannesburg, Buenos Aires, Marrakech… Le jour de Simhat Torah, toutes les communautés juives du monde se réunissent pour se réjouir et danser dans des Synagogues, et parfois même dans les cours ou les rues… Pourquoi un rouleau de parchemin suscite-t-il une telle euphorie ?
Vous avez certainement assisté à de nombreuses reprises aux Hakafot que l’on fait le jour de Sim’hat Torah après avoir lu les versets qui clôturent le cycle de lecture des cinq livres de la Torah. Mais vous êtes-vous déjà interrogé sur la raison pour laquelle nous manifestons une joie si intense à ce moment là ? Main dans la main, petits et grands chantent, dansent, enlacent et embrassent les Sifré Torah, et ce, de longues heures durant.
Certes, nous avons parfaitement conscience qu’il s’agit de la Torah, qui n’est autre que le socle et l’âme du peuple juif, cette «chose» mystérieuse qui a donné à notre nation une raison d’être et qui explique sa survie tout au long des méandres de l’Histoire. Malgré tout, la joie que nous exprimons le jour de Simhat Torah peut sembler démesurée, voire excessive.
Avez-vous déjà vu pareille manifestation d’allégresse pour un autre recueil ou ouvrage ? A-t-on déjà vu des hommes chanter et danser autour du “Nouveau Testament” (sans comparaison aucune)? Non, jamais. Pas même dans la Rome catholique, ou lors de processions religieuses. Avez-vous déjà vu une foule musulmane se rassembler pour célébrer le Coran, en l’embrassant et l’enlaçant tout en défilant dans les rues de la capitale ? La joie de Simhat Torah ne ressemble à aucune autre.
Que ce soit à Tel Aviv, à New York, Moscou, Johannesburg, Buenos Aires, Marrakech…, le jour de Simhat Torah, toutes les communautés juives du monde se réunissent pour se réjouir et danser dans des Synagogues, et parfois même dans les cours ou les rues…
Pourquoi un rouleau de parchemin suscite-t-il une telle euphorie ?
Même dans les heures les plus sombres de l’Histoire, dans la difficulté et la souffrance, le jour de Simhat Torah a toujours été un jour de fête. De nombreux témoignages relatent ainsi la façon dont les juifs célèbrèrent Simhat Torah dans les ghettos, les forêts et cachettes et même dans les camps d’extermination.
N’est-ce pas étrange, exagéré et insensé ?
Plus étonnant encore : la fête de Simhat Torah n’est pas une Mitsva. Elle ne figure pas dans la Torah, et n’est mentionnée ni par les Prophètes ni par les Sages de la Guemara. Ces réjouissances ont été décrétées par le peuple, désireux de marquer la fin et la reprise du cycle de lecture annuel de la Torah.
Cette fête est donc le fruit de la spontanéité du peuple juif, l’expression d’une volonté collective.
Mais ce n’est pas tout. Si l’on se penche sur le contenu du livre autour duquel l’on chante et danse, notre stupéfaction ne peut que grandir. Car la Torah contient 613 commandements qui régissent de manière précise la vie d’un juif, avec toutes les contraintes et difficultés que cela implique. Rappelons également que c’est ce livre qui est la cause de l’antisémitisme sous toutes ses formes car il fait de nous un peuple différent et par conséquent, détesté des Nations du monde. Par ailleurs, la Torah contient de terribles réprimandes, et fait mention de nombreuses épreuves et souffrances qui menacent le peuple juif s’il s’éloigne d’Hachem et du droit chemin. Pourquoi et comment peut-on se réjouir de cela ? Avez-vous déjà vu un homme danser en tenant entre ses mains son avis d’imposition ?
La réponse à toutes ces questions tient en un mot :
L’amour.
Il est écrit dans la Guemara : “Aucune eau n’est susceptible d’éteindre l’amour.” (Cantique des Cantiques) – “L’amour, c’est la Torah” (Traité Sota 21)
Cette citation est au coeur de notre sujet, et lui donne tout son sens. On peut essayer d’appréhender la joie de la Torah par le biais de l’amour ou alors de manière logique et conceptuelle. L’amour est un langage universel, qui défie bien souvent la raison et la logique. Il s’agit d’un sentiment, d’une intuition qui murmure dans le coeur de l’homme : “C’est elle !”
Comme ce fut le cas pour Adam Harichon.
Dans le chapitre 2 du livre de Béréchit, il est écrit qu’Hakadoch Baroukh Hou fit défiler tous les animaux devant Adam. Mais aucun d’entre eux ne pouvait combler le vide qu’il ressentait. Lorsqu’Hachem lui présenta Hava, Adam Harichon s’exclama : “Cette fois-ci, c’est elle ! Elle est un membre extrait de mes membres.” (Bérechit, chap.2)
Cette expression peut être interprétée de la façon suivante : “Sans elle, je suis incomplet et seul. Je ne suis pas serein et ne sais pas quelle voie emprunter. Je ne suis pas moi-même. Grâce à elle, je suis complet, heureux, et mon esprit est apaisé.”
La Torah n’est donc autre que le juif lui-même. Les prophètes et les Sages donnent plusieurs surnoms à la Torah. Elle est – entre autre – désignée comme “l’épouse” de l’homme qu’elle complète et dont elle étanche la soif spirituelle. Ce qui explique que celui qui l’étudie éprouve des difficultés à s’en détacher, même après de longues heures ou même dans un contexte difficile.
Ceux qui étudient la Torah savent qu’elle est bien plus qu’un recueil de lois ou qu’un témoignage du passé. Elle est la VIE elle-même. Ils ont conscience que sans elle, leur existence perd tout son sens. Par conséquent, l’amour qu’ils lui portent engendre une joie intense, une joie qui explose le jour de Simhat Torah.
A chaque génération, ce sentiment d’amour et de joie unit tous ceux qui étudient la Torah et nous l’exprimons encore aujourd’hui à la manière dont les Sages le faisaient il y a des milliers d’années. Le temps, les différences culturelles et les distances géographiques, n’ont pas altéré ce sentiment intense, généré par la Torah : l’amour.
Rav Moché Garlik, (tiré de aish.com), adaptation française Elisheva Uzan